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1 juil. 2020 16:16:00

EPI/Distribution/Fabricants. Rebondir après la crise

Le monde des EPI d’après sera-t-il comme avant ? Et surtout après trois mois de ralentissement de l’industrie et de l’économie, comment les entreprises vont-elles pouvoir rebondir et passer le cap ? Si les chefs d’entreprises fabricants et distributeurs d’EPI s’attendent à encore subir les turbulences de la queue du cyclone Covid-19, ils restent combatifs et prêt à redresser la barre.

Sidération, stupeur, ébahissement... les mots traduisent l’état d’esprit des chefs d’entreprise, le 17 mars face à l’annonce du confinement. Tous le soulignent, la priorité a été la santé et la sécurité de leurs salariés avec un arrêt plus ou moins prolongé des productions et lorsque c’était possible du télétravail. Puis dans les semaines qui ont suivies, réactivant la fibre entrepreneuriale, les entreprises ont redémarré leur activité. Partielle, masquée, réorganisée, mais avec un objectif continuer à apporter des produits et des services essentiels à leurs clients en activité. Cette période de pause obligatoire a également été l’occasion pour beaucoup de « chasser le Muda » et de repenser leur stratégie pour être prêts dès le mois de juin.

Redéfinir les stratégies

« Nous en avons profité pour réorganiser nos flux de production, le SAV, mais aussi pour développer de nouveaux produits et services », souligne Eric Gruau, Président de Manut-LM, fabricant de solutions de manutention. Pour Emmanuel Archidec, directeur d’A-Safe, fabricant de barrières de sécurité, la crise a été l’occasion de redéfinir la stratégie commerciale. D’une part en se focalisant sur des marchés en développement, quitte à suspendre momentanément des secteurs en récession, comme l’industrie automobile ou aéronautique. « La grande distribution et la logistique investissent fortement dans la sécurisation de leurs entrepôts, et entament une réflexion sur la prévention des accidents hommes-véhicules. Nous avons, pendant cette période, retravaillé notre offre pour apporter des réponses globales, dès la conception des bâtiments. » De même, en l‘absence de grandes manifestations professionnelles, et de rencontres avec leurs clients, les fabricants réfléchissent à de nouveaux outils : « Il nous faut être inventifs et retravailler nos canaux de communication pour être au plus près du client, même si nous ne sommes pas aussi présents physiquement », indique Rodophe Deleusière, distributeur membre d’EPI Center.

La santé et la sécurité des salariés sous les projecteurs

S’il fallait trouver un effet positif à la crise, c’est celui de la prise de conscience aigüe de l’importance de la santé et de la sécurité des salariés. Pour fonctionner, l’entreprise nécessitent des collaborateurs en bonne santé « La notion de santé des collaborateurs, souligne Eric Gruau, Manut-LM, a désormais un tout nouveau retentissement auprès des dirigeants. Protéger les salariés avec de bons équipements, c’est diminuer les blessures, réduire l’absentéisme et augmenter la productivité. Reste à savoir si les entreprises sont en mesure de mettre en œuvre et de financer leurs projets. » En revanche, l’investissement sur des équipements non-urgents montrent un net fléchissement, comme le workwear et les chaussures de sécurité. « La majorité des appels d’offres concernant le renouvellement de tenues professionnelles ont été repoussés au mieux pour 2021, souligne Stéphane Coulon de Vetanova.

Masques : de la pénurie à la surabondance

Révélé comme l’équipement emblématique de la crise Covid-19, le masque a été au centre de l’attention toutes ces dernières semaines. Réquisition de l’État, concurrence acharnée entre les états pour s’approvisionner, création d’une nouvelle catégorie de masques (à usage non sanitaire 1 et 2)... « La page de la production de masques qui se tourne n'est plus celle qui était écrite fin mars. » a déclaré Yves Dubief, président de l’ Union des industries textiles, le 8 juin dernier. « Plusieurs dizaines de millions de masques attendent dans les stocks des 400 entreprises qui ont fait travailler 20.000 salariés depuis deux mois environ sur les masques", tout en invitant les patrons des PME concernées à "réduire très fortement voire arrêter cette production de masques . "On a fait fabriquer et importer à tout va et aujourd'hui il y a un embouteillage de masques", a-t-il résumé dans sa déclaration.

Répondant à l’appel du gouvernement d’autres entreprises se sont lancées dans la mise en place de lignes de production de masques FFP, non textile : ainsi pour n’en citer que quelques-uns Kolmi-Hopen double sa surface, Dräger s’installe en France, Coverguard ouvre une unité de production, la Bretagne devrait à son tour accueillir une nouvelle industrie du masque et de nombreux autres. L’indépendance de la France sur les masques semble en bonne voie, reste à savoir si les commandes publiques et privées suffiront à maintenir et à assurer la rentabilité de cette production hautement stratégique.

Relocalisation : un rêve avorté ?

Réindustrialiser la France ... Tel était le rêve de beaucoup qui s’imaginait que les leçons du confinement ouvriraient les voies d’une industrie locale, en France ou Europe. Un rêve qui s’est vite heurté à la réalité : manque de moyens, de structures, coûts des matières premières et de la main d’œuvre... « Pour certaines collectivités et entreprises engagées des démarches RSE, l’empreinte carbone constitue un enjeu majeur, souligne Xavier Varoqui, président de Concept TB, fabricant de Workwear. Notre fabrication en Europe, sur de petites séries, nous permet d’être très réactifs à des coûts raisonnables. En revanche, pour nos confrères qui répondent à des marchés quantitativement importants, la guerre des prix va être impitoyable, et la source ne se trouvera pas à proximité. » Ce que confirme Rodolphe Deleusière, d’EPI Center, « Nous allons avoir une offre Premium de vêtements éco-conçus, mais une majorité de nos clients, très impactés par la crise, nécessitent des équipements à budget très serré. Nous pourrons leur faire une offre ajustée, en provenance d’Asie. » Toutefois, la porte d’une production de proximité n’est pas totalement fermée. Ainsi Manut-LMaffirme que son site de production situé en France reste un avantage pour répondre aux demandes. De même uvex, dont une majorité d’usines se trouvent en Allemagne, envisage de produire encore plus d’EPI sur les terres germaniques pour se libérer d’une trop forte dépendance du grand import. Quant aux entreprises qui ouvrent des unités de production de masques, l’avenir dira si l’investissement est ou non viable.

>La parole à Eric Gruau, président de Manut-LM

  • « Désormais, la santé des collaborateurs est une notion qui retentit différemment auprès des chefs d’entreprise. »

« L'entreprise s’est arrêtée le 17 mars avec une volonté unique : protéger la santé des collaborateurs. Puis, nous avons recherché des solutions pour maintenir l’activité. Dans les 48°heures, nous avons pu mettre en place du télétravail pour les 50 % du personnel qui le pouvait. Mi-avril, nous avons progressivement repris la production avec des ateliers aménagés tant sur les espaces de travail que de l’organisation.  La période de confinement nous a permis d’avancer sur des projets structurants pour l’entreprise et qui devraient nous permettre de mieux travailler demain en apportant un meilleur service à nos clients. Nous en avons profité pour réorganiser nos flux de production, le SAV, mais aussi pour développer de nouveaux produits et services. La question maintenant est de savoir si les clients vont se lancer dans de nouveaux projets. Cependant je suis assez optimiste. La crise a révélé que la préservation de la santé des collaborateurs était un enjeu important pour le bon fonctionnement de l’entreprise et les dirigeants en ont pris conscience. A nous d’aller prospecter dans des secteurs où nos équipements peuvent apporter des réponses en termes d’amélioration de la productivité mais aussi de réduction de la pénibilité, des blessures et de l’absentéisme. C’est le cas, par exemple, des drives où une personne seule va pouvoir manipuler des palettes en toute sécurité, ce qui est également un avantage du point de vue des consignes de distanciation. »

> La parole à Emmanuel Archidec, directeur général France A-Safe

  • « Si le groupe a été épargné au plus fort de la crise, il s’agit maintenant de redéfinir les marchés prioritaires. »

Nous avons la chance d’être un groupe présent dans le monde entier et en très forte croissance. Tout le temps de la crise, l’usine située en Grande-Bretagne a continué à produire, 7 jours sur 7 et en trois-huit pour répondre à la demande internationale, chacun des pays n’étant pas à l’arrêt au même moment. En France, nous avons poursuivi les installations de barrières de protection dans l’industrie agro-alimentaire et la distribution qui n’ont jamais cessé leur activité. Nous avons eu un creux de commandes en France en mai, mais dès le mois de juin les projets sont repartis. Cette crise nous a amené à redéfinir nos marchés prioritaires. Les projets dans l’industrie automobile et aéronautique, tout comme dans les aéroports sont pour la plupart suspendus. En revanche, la grande distribution et la logistique investissent fortement dans la sécurisation de leurs entrepôts, et entament une réflexion sur la prévention des accidents hommes-véhicules. Nous avons, pendant cette période, retravaillé notre offre pour apporter des réponses globales, dès la conception des bâtiments : nous ne proposons plus seulement des barrières, mais des solutions complètes à mettre en œuvre qui comprennent l’organisation des voies de circulation, les barrières de protection et le marquage au sol. Le tout, dans le respect des préconisations de la PAS13 que A-Safe a initiée et cosignée (disponible à l’achat sur le site de l’Afnor).

> Retrouvez tous les interviews de vos confrères dans le prochain numéro de PIC (n°123, juillet-août 2020)

© Getty Images

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