AT : La France, mauvaise élève ?
Les débats autour de la réforme des retraites ont été, pour certains, l’occasion de montrer du doigt la France en matière d’accidents du travail. Notamment, en la comparant aux autres pays européens. Sur ce sujet, il est nécessaire de rappeler certains chiffres.
Selon les statistiques publiées par l’Anact, entre 2001 et 2019, le nombre d’AT impliquant des hommes serait passé de 737 499 à 655 715, soit une baisse de 11,1 %. En revanche, les accidents du travail concernant les femmes auraient très fortement augmenté : passant de 172 682 en 2001 à 244 558 en 2019. Soit une hausse de 41,6 % !
733 ou 780 AT mortels ?
En ce qui concerne les accidents mortels, l’exploitation des chiffres est plus complexe. On a ainsi déploré 733 accidents mortels en 2019, selon un rapport de l’Assurance maladie. Forte augmentation par rapport à 2018 (562 AT mortels) qui s’expliquerait par l’élargissement des critères demandés pour qualifier un accident du travail. Pour beaucoup, ces chiffres ne reflèteraient pas la réalité. D’ailleurs, la Dares a publié en novembre dernier une étude recensant 783 600 accidents du travail entraînant au moins un jour d’arrêt en 2019, et 780 décès.
Plus embêtant, des chiffres publiés par l’Observatoire de la Mutualité Française, feraient de la France le plus mauvais élève de l’Europe en matière de sécurité au travail. Plus de 200 000 travailleurs décèdent chaque année de maladies professionnelles au sein de l’Union européenne. Avec 3 425 accidents du travail pour 100 000 personnes en emploi, la France se situe en haut du classement des pays européens puisque ce chiffre correspond à 3,5 accidents mortels du travail pour 100 000 personnes en emploi en 2019, soit deux fois plus que la moyenne européenne (1,7 accident mortel). En France, c’est le secteur de la construction qui connaît le plus fort taux d’accidents : 53,4 accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés, contre 33,5 sur l’ensemble des secteurs.
Des chiffres à utiliser avec précaution…
Certains politiques vont même plus loin. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon (LFI) qui n’a pas hésité à dire que la France, en matière d’accidents mortels, est « championne de l’hécatombe » avec 1 200 morts du travail par an. A quoi correspond ce chiffre ? Il émane de l’Assurance maladie qui dénombrait 1 264 décès liés au travail en 2019. Ce chiffre est cependant à manier avec précaution car il agrège plusieurs données : les personnes décédées lors d’un accident du travail, les morts lors des trajets domicile-travail (283 personnes) et les décès dus aux maladies professionnelles (248 personnes).
Enfin, le taux de 3,53 AT mortels pour 100 000 accidents (source Eurostat), qui fait donc de la France le plus mauvaise élève de l’Europe, est lui aussi à manier avec précaution. Pour plusieurs raisons. La première étant que de nombreux pays ne comptent pas les AT de la même manière. Dans d’autres, les accidents sont sous-déclarés (ce qui est d’ailleurs le cas parfois en France)…
On peut mieux faire !
Toujours est-il qu’on doit pouvoir faire mieux en matière de prévention et de SST. En commençant par mieux informés les travailleurs. En effet, 52 % des actifs se sentent mal informés sur différents aspects liés à la santé au travail comme les maladies professionnelles physiques ou les souffrances psychologiques liées au travail, voire confient manquer d’informations sur les interlocuteurs à contacter en cas de souffrance au travail. Un déficit en services de santé au travail qui a aussi des conséquences sur les dirigeants qui se sentent en manque d’accompagnement et en manque d’information, qu’il s’agisse des actions à mener pour améliorer la santé des salariés au travail ou sur ce que recouvre effectivement le mal-être au travail.
Pour améliorer une meilleure prise en compte des questions de SST aux profits des salariés, la Mutualité Française propose, par exemple, et afin de limiter l’usure professionnelle et de la pénibilité, d’élargir l’accès au départ anticipé en retraite pour incapacité permanente liée à l’usure professionnelle. Ou de réintroduire dans le compte professionnel de prévention, les 4 facteurs de pénibilité supprimés (postures pénibles, charges lourdes, vibrations mécaniques, et agents chimiques dangereux).
Photo d’illustration © Getty Images
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