Manque de sommeil. Il peut suffire à faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur
La fatigue au volant peut être à l’origine d’accidents, plus ou moins grave. Et il peut arriver, comme le prouve une décision récente, que les juges fassent du manque de sommeil une faute inexcusable de l’employeur.
Un salarié, engagé comme chauffeur-livreur, est victime d’un accident de la circulation avec son véhicule de livraison. L’accident est reconnu comme accident du travail et est pris en charge comme tel par la sécurité sociale. Le salarié demande alors la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Pour convaincre les juges, le salarié invoque un article du code du travail qui prévoit que le bénéfice de la faute inexcusable est de droit lorsque le salarié, ou un membre du CSE, avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé (article L.4131-4). Or, dans cette affaire, notre chauffeur-livreur avait effectivement informé l’employeur au moment de sa prise de service qu’il « était fatigué à cause d'un souci personnel de son enfant ». Une ordonnance des urgences pédiatriques de la veille pour son enfant, et des attestations de deux collègues, corroborées par une attestation produite par l'employeur, justifiait effectivement de ce qu’il avait alerté « de son état de fatigue important lié à l'absence de repos durant la nuit, signalant ainsi à l'employeur un risque auquel il se trouvait exposé au regard de son poste de chauffeur ».
L’argument fait mouche !
Pour les juges, il était bien prouvé que le salarié, « dont le poste de chauffeur nécessite un état de vigilance particulièrement soutenu, avait signalé à son employeur une situation de fait de nature à le mettre en danger ». Et d’en déduire qu’il y avait effectivement un « lien entre la fatigue signalée et les fautes de conduite de la victime à l'origine de l'accident ». D’où la reconnaissance automatique de la faute inexcusable de l’employeur.
Notons que l'employeur a bien essayé de tirer argument du fait que le salarié avait été condamné par le tribunal correctionnel « pour violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité ». Et pour cause, puisqu’il avait effectué « un dépassement sans visibilité suffisante à l'approche d'un virage, franchissant à cet effet une ligne continue, et le tout à une vitesse excessive et égard aux circonstances en l'espèce : chaussée mouillée et virages ». À cet égard, la solution peut paraître sévère.
-
A RETENIR
Les juges ont considéré qu’il y avant un « lien entre la fatigue signalée et les fautes de conduite de la victime à l'origine de l'accident ». D’où la reconnaissance automatique de la faute inexcusable de l’employeur.
Crédit photo : © Getty Images