Covid/EPI. Le Synamap tire les leçons de la crise
Le président du Synamap, Renaud Derbin (notre photo), tire les leçons de la crise de la Covid-19et de ce qu’elle a révélé en matière de gestion des EPI.
- La crise de la Covid-19 a donné lieu à une vraie pénurie en matière d’équipements de protection. On pense évidemment aux masques. Il a fallu « improviser », inciter la population à se protéger avec des moyens différents, pour ne pas dire artisanaux. Quelles leçons tirez-vous de cet épisode ?
Durant la crise, l’urgence était réelle en ce qui concerne la mise à disposition des masques de protection au public. Assez vite, des acteurs vertueux se sont mis à en produire à destination de ceux qui ne pouvaient pas accéder aux masques chirurgicaux et autres FFP2. Malgré les craintes exprimées par certains, ces « face protecting issues » ont répondu à un réel besoin. La crise passée, on peut tout de même se poser certaines questions. Alors que, comme je le disais à l’instant, des acteurs vertueux font de gros efforts pour produire des masques, il a été sidérant de constater qu’une fois le confinement terminé, on puisse trouver partout – surtout dans la grande distribution – les masques qui nous ont tant manqué pendant la crise…
- Cette période a été également marquée par une ruée, pour ne pas dire une « foire d’empoigne »
sur les masques. Comment expliquez-vous cela ?
Il est évident que notre dépendance vis-à-vis de certains pays producteurs a été à l’origine de problèmes. Dont l’un des principaux, selon moi, est la non-maîtrise de la chaîne logistique. Nous avons été incapables de sécuriser notre chaîne d’approvisionnement, de la fabrication à la livraison. Il nous a été difficile de commander en masse et de faire venir les produits commandés chez nous afin de les distribuer. Il y a donc des leçons à tirer de cette crise. J’espère qu’elles le seront…
- Justement, quelles sont-elles ?
Tout d’abord, et cela est très important pour les adhérents du Synamap, beaucoup se sont rendus compte à l’occasion de cette crise qu’il existait en France des experts de la protection, des EPI et des dispositifs médicaux. Et que ces experts pouvaient aider les utilisateurs finaux à séparer le bon grain de l’ivraie. Cette crise pose évidemment – et on en a beaucoup parlé – une question de souveraineté nationale et européenne. Je pense qu’on ne va pas du jour au lendemain se remettre à produire en masse des masques partout en France et en Europe. Pour la simple raison qu’on trouve sur le marché, ne serait-ce que dans la grande distribution, des masques à prix réduits. il est difficile de lutter. En revanche, il faut que les États se posent les bonnes questions quant aux futurs stocks nécessaires pour affronter de futures pandémies. Il va falloir stocker car il n’est pas possible de revivre un tel épisode. Mais cela nécessitera de la part de l’État une forme de coordination afin de gérer au mieux un « fond de roulement » de masques pour ne pas se retrouver, en cas de crise, avec des moyens de protection périmés et inutilisables. Et pour ce faire, les États – dont la France – vont devoir fiabiliser absolument leurs filières d’approvisionnement.
- Cette crise ne pose-t-elle pas aussi des questions en matière de santé publique, de ce qui est du ressort de l’État et non du secteur privé ?
Il est certain que depuis de nombreuses années la tendance est de faire peser certaines questions de santé publique sur les entreprises. Je pense que la crise du Coronavirus doit être l’occasion pour les États de se ressaisir d’une partie de leur souveraineté en matière de santé publique. Même si le secteur privé doit jouer son rôle, on ne peut pas s’en sortir sans un État fort, souverain, qui n’abandonne pas ses fonctions régaliennes aux marchés… D'ailleurs, on constate actuellement une initiative, portée notamment par la France et l'Allemagne, au niveau de la commission européenne, dans le cadre du projet « EU4Health », visant justement à anticiper et à mettre en oeuvre des procédures afin qu'une telle situation ne se reproduise pas.