SST. Les normes Iso « système » : avantages et inconvénients

Depuis 2000, l’Iso a développé de nombreuses normes « système » (qualité, environnement, santé-sécurité…) favorisant l’amélioration continue. Malgré leur succès, ces référentiels peuvent engendrer une gestion cloisonnée, éloignée des pratiques globales de direction, et la certification ne garantit pas l’excellence, seulement un engagement vers le progrès.
En 2000, l’Iso, sous l'influence de la British Standard Institution et de la création de l’OHSAS 18001 sur le management de la santé et sécurité au travail, a marqué une avancée majeure avec la version 2000 de l’Iso 9000, instaurant la notion de norme « système ». Par la suite, de nombreuses normes « système » ont vu le jour, couvrant l’environnement, la qualité de l’air, les services, l’alimentaire, la vie privée, l’anti-corruption, la sécurité informatique, etc.
Pour aider à la construction de ces normes et leur applicabilité, une structure commune appelée HLS (High Level of Structure) a été créée qui apporte une homogénéité de chapitrages et quand nécessaire de contenu aux normes qui la respecte. Les entreprises se sont pour certaines emparées de ces normes pour se faire certifier conformes aux exigences posées dans le but de progresser sur le domaine certifié et de donner, par cette reconnaissance, une meilleure confiance aux parties prenantes et intéressées.
ISO versus pratiques de Direction d‘entreprise
Dans une entreprise mature, quel que soit le domaine, ses pratiques permettent d'identifier les opportunités et de gérer les risques : qualité, environnement, SST, égalité H/F, corruption, accueil du handicap, etc. pour au final exercer correctement sa RSE, en s’améliorant sans cesse, c'est à dire gérer au mieux TOUS les risques dans un contexte donné.
Pour ce faire, les pratiques de direction d'entreprises sont les mêmes et ne sont pas liées à un domaine précis. Ion parle de démarche de « risk management ».
Les normes « systèmes » ont amélioré les résultats et favorisé l’amélioration continue, mais en silo, chaque domaine étant confié à un expert distinct (qualité, SST, environnement, RH…). Ceci crée une superposition de systèmes perçue comme une contrainte par les managers, tandis que la Direction ne les intègre pas à sa propre gestion, préférant d’autres pratiques.
Inconvénients associés à ces normes « système »
Le premier danger est donc dans le titre de ces référentiels. Le titre de l’Iso 9001 est : « système de management de la qualité ». Le titre de l’Iso 14001 : « système de management de l’environnement ». Le titre de l’Iso 45001 : « système de management de la santé & sécurité au travail » …
En conséquence, les entreprises se sentent obligées de faire coexister plusieurs systèmes : Iso 9001 pour la qualité et la satisfaction client, Iso 14001 pour le respect environnemental, et un système de management de la santé et sécurité au travail, assurant des conditions sûres pour les salariés lors de la production.
Le second danger est que de telles pratiques relèvent de ce qui est communément appelé « un management en silo » et sont à éviter, dans cette forme d’utilisation, car contre-productives et génératrices de possibles injonctions paradoxales. Ces injonctions paradoxales existent car, en général, il n’y a pas de niveau prévu pour effectuer les arbitrages nécessaires entre des propositions de décisions issues de chaque système, niveau qui, vu les exigences des normes « système », devrait se situer très haut dans la pyramide de responsabilités.
Troisième écueil, ces référentiels exigent un formalisme qui peut faire que l’entreprise passe beaucoup d’énergie à maintenir des formulaires et peu de temps à travailler effectivement sur le terrain à l’amélioration de ses façons de faire.
Quatrième écueil, la certification souvent recherchée par la direction et donnée comme objectif à l’expert porteur du domaine est délivrée à travers une relation marchande entre l’entreprise et son organisme auditeur, ce qui peut générer des difficultés d’indépendance. D’autant que ces organismes sont en principe « accrédités », c’est-à-dire autoriser car possédant des pratiques vertueuses à délivrer des certificats. Avec toute la difficulté d’assurer une cohérence dans la profondeur des exigences d’accréditation d’un pays à l’autre...
Cinquième écueil : la certification ne signifie pas l’excellence. Contrairement à ce que certaines entreprises certifiées veulent laisser croire, le certificat n’a rien à voir avec la maturité de l’entreprise et l’excellence qui est la sienne dans le domaine certifié. Il traduit simplement que l’amélioration continue est en marche. Et selon le point de départ, l’excellence peut être encore loin ! D’où l’idée de créer un label SST qualitatif (voir PIC 149) sur le sujet.
-
Comment éviter les écueils ?
Fort de ces constats, il est donc possible de mettre en œuvre une organisation (et une seule) dans l’entreprise qui réponde aux attendus de tous ces référentiels, dans une logique intégrée et surtout holistique, qui elle seule permettra de mettre en évidence les injonctions contradictoires et donc de procéder aux arbitrages nécessaires et ainsi d’envoyer des instructions cohérentes et performantes aux opérateurs. L’approche processus des qualiticiens, très intégratrice, est à utiliser sans modération. Et une telle approche holistique diminue les contraintes de formalisme par les regroupements opérés…
En amont il est une bonne pratique de définir le projet de l’entreprise, c’est-à-dire non pas une politique, mais un credo qui rassemble tous les engagements que l’entreprise souhaite vérifier dans le cadre de la réalisation de ses activités dans un exercice bien compris de sa responsabilité (on parle encore de Responsabilité Sociétale des Entreprises ou RSE). En définitive il s’agit, en tant qu’entreprise, de répondre en toute sécurité (au sens large) à toutes les responsabilités auxquelles elle doit faire face, qu’elles soient de nature économique, sociétale et sociale ou environnementale.
Ce projet d’entreprise, véritable acte de communication externe vis-à-vis des parties intéressées pour leur témoigner la prise en compte de leurs attentes, mais aussi interne vis-à-vis des managers pour les aider à réaliser leurs arbitrages, cette vision ainsi exprimée donne le sens sur la façon de « travailler ensemble, et pourquoi » à tous les acteurs.
Elle permettra de développer, si l’entreprise le juge nécessaire (par sa taille notamment), et via le prisme du Développement Durable qui impacte le contenu des politiques, des politiques thématiques (dont SST), cohérentes et complémentaires quant au « pourquoi » et définissant le « comment ». La direction générale de l’entreprise est gardienne de cette cohérence.
-
A RETENIR
Ces référentiels exigent un formalisme qui peut faire que l’entreprise passe beaucoup d’énergie à maintenir des formulaires et peu de temps à travailler effectivement sur le terrain à l’amélioration de ses façons de faire.
-
EN SAVOIR PLUS
La certification souvent recherchée par la direction et donnée comme objectif à l’expert porteur du domaine est délivrée à travers une relation marchande entre l’entreprise et son organisme auditeur, ce qui peut générer des difficultés d’indépendance. D’autant que ces organismes sont en principe « accrédités », c’est-à-dire autoriser car possédant des pratiques vertueuses à délivrer des certificats.
Crédit photo © Getty Images