Quid des Préventeurs en 2040 ?
Fin novembre, l’INRS a présenté les résultats d’un exercice de prospective sur les « modalités de pilotage des activités de travail et aux enjeux de santé et de sécurité qui pourraient émerger à l’horizon 2040. » Ce travail de « fiction » a permis de dégager des pistes d’actions et de réflexion. Notamment sur le rôle des préventeur…
Lors des débats et travaux, plusieurs tendances potentiellement délétères ont émergé, parmi lesquelles : la flexibilisation accrue du travail qui pourrait isoler les travailleurs, le remplacement du management intermédiaire par un management algorithmique, la multiplication des situations de co-activité en raison notamment d’un recours accru à la sous-traitance et au travail temporaire…
Dilution de la notion de responsabilité
Ces nouvelles organisations du travail pourraient induire une dilution de l’obligation de sécurité. Comme le souligne l’INRS, « la construction de montage opérationnels toujours plus flexibles et éclatés (plateformes, sous-traitance en cascade, intérim) rend l’identification de l’employeur plus difficile et conduit, par conséquent, à diluer la notion de responsabilité. » Et ajoute : « Une partie de plus en plus importante de la population active pourrait échapper au cadre classique de la prévention (intérimaires, saisonniers, indépendants…). »
A cela s’ajoutera, l’adoption de nouvelles technologies (cobots, exosquelettes, outils numériques. Leur déploiement devra se faire en respectant certains prérequis : prise en compte des travailleurs lors de la conception de ces technologies, s’assurer qu’elles répondent à un réel besoin et non à un « déterminisme technologique », faire en sorte qu’elles soient accessibles à tous les travailleurs et s’intègrent dans une stratégie de prévention pour « alléger les tâches des travailleurs », via la robotisation, par exemple…
Préventeurs : nouvelles pratiques
Face à ces changements, les préventeurs vont devoir adapter leurs pratiques. L’INRS souligne qu’ils devront « être en capacité de créer les conditions d’une approche collective de la prévention. […] Une phase préalable aux interventions externes en SST de plus en plus souvent nécessaire dans des organisations aux collectifs fluctuants. » Pour « dans les entreprises ayant déjà une culture de la participation des salariés à l’organisation du travail, il s’agira de s’assurer que la prévention est bien un objectif présent et débattu, et que les conditions sont réunies pour assurer la qualité du dialogue. Dans les organisations où cette participation n’existe pas ou plus, le préventeur peut jouer un rôle de conseil et de promoteur des dialogues social et professionnel. »
Le préventeur aura aussi pour rôle de « sensibiliser à la question du travail réel dans tous les espaces de discussion sur le travail », en favorisant l’expression des salariés. Si leurs compétences techniques constitueront toujours un « socle », il leur faudra renforcer leurs compétences et donc se former. En complément des compétences techniques en santé et travail qui demeurent des« socles ». L’élargissement des profils de préventeurs nécessite de faire évoluer leur formation.
Autre point important, souligné par l’INRS, « les préventeurs seront amenés à adapter leurs stratégies d’intervention auprès des entreprises. Il s’agira d’être en capacité de mobiliser l’entreprise sur la prévention en démontrant l’intérêt pour la performance globale. Cela implique, pour les intervenants, le développement de la compréhension des contextes économiques dans lesquels ils accompagnent les entreprises. »
Préventeur : un rôle de conseil
Le recours aux nouvelles technologies va impliquer, pour les préventeurs, de réaliser un important travail de veille technologique, pour assurer leur rôle de conseil. Comme le précise l’INRS, « il ne s’agira pas nécessairement de devenir un expert des technologies ni des nouvelles modalités de pilotage, mais d’être en capacité de comprendre les implications de celles-ci en termes d’organisation du travail et de santé physique et mentale. Ils devront s’impliquer dans la compréhension de la conception et du fonctionnement des algorithmes pour pouvoir émettre des recommandations et être en mesure de dialoguer avec les concepteurs et architectes de l’IA, de la même façon qu’ils sont en mesure de dialoguer avec des architectes du bâtiment. »
Par ailleurs, les préventeurs devront changer de méthode d’intervention « chercher à faire intégrer les enjeux de S&ST aux orientations stratégique des entreprises. » A cette fin, il leur faudra faire évoluer leurs compétences, être capables de se coordonner avec les autres intervenants. « Le profil des préventeurs actuellement très technique pourrait donc s’enrichir vers le champ de l’organisation du travail, tout en visant la pluridisciplinarité et la complémentarité des profils », conclut l’INRS dans son rapport.
- Le replay de cet après-midi de prospective est disponible ici.
- Le rapport de prospective « Le travail en 2040. Modalités de pilotage, enjeux de santé et sécurité au travail » est téléchargeable ici.
Photo d’illustration (c) Getty Images